Un peu d’hydrologie illustrée

Le cycle de l’eau : précipitations, précipitations neigeuses, neiges « éternelles », ruissellement, infiltration, nappe phréatique, mer, évaporation, glacier

Hydrologie fluviale : fleuve, rivière, torrent, affluent, confluence, lit majeur, bras mort, source/résurgence vauclusienne, ligne de sources, déversoir, lac, exutoire, lac de barrage, cascades, rapides, cataracte, chute d’eau, delta intérieur, chenaux anastomosés, embouchure, estuaire

Glaciologie : vallée glaciaire, moraines latérales, crevasses, névé, front de glacier, cours d’eau sous-glaciaire, vallée suspendue

Aménagements humains, pollution, protection des milieux : pont, barrage hydro-électrique, retenue collinaire, station de pompage, châteaux d’eau (stockage), distribution aux usagers, station d’épuration, pollution, hydrocarbures, eutrophisation, infiltration des intrants, zone humide protégée (site RAMSAR).

Divers : terrasses alluviales, berge, étang, marais

Géographie urbaine

Centre historique : Espace compris à l’intérieur des anciens remparts.

1 : Les remparts ont été détruits pour construire un boulevard périphérique.

Faubourgs industriels : Extension de la ville à l’époque industrielle, avec le développement des chemins de fer.

2 : Cimetières construits à l’extérieur du centre historique par manque de place. Ancienne usine (1ere industrialisation), désaffectée, ou affectée à un nouvel usage (musée par exemple).

Banlieues : Extension de la ville depuis l’époque industrielle, jusqu’aux périphéries actuelles plus lointaines. La densité du bâti diminue progressivement vers l’extérieur.

3 : Quartier d’affaires. Immeubles de bureaux.

4 : Grands ensembles. Habitat collectif construit après la 2nde guerre mondiale pour reloger la population. Quartiers parfois en crise sociale et économique suite au départ des classes moyennes.

5 : Habitat pavillonnaire. Le plus important en superficie, il s’est surtout développé après 1960, avec le rêve de la propriété individuelle pour les classes moyennes.

6 : Zone d’activité. Entreprises industrielles et de services de l’époque post-industrielle, installées à proximité de l’autoroute (en France, le camion a remplacé le train pour le fret au XXe siècle). Très grands centres commerciaux en périphérie lointaine.

Espace périurbain : Transition entre l’espace urbain et l’espace rural, c’est une campagne en cours d’urbanisation.

: Village. Parfois, l’urbanisation absorbe ces anciens centres de peuplement.

8 : Nouveau lotissement. Construction de maisons individuelles. Lotir signifie partager une parcelle en plusieurs lots constructibles, vendus séparément.

: Mitage. L’espace rural est parsemé de construction nouvelles.

Espace rural : Inclut l’ensemble des communes non urbaines.

10 : L’agriculture et l’élevage sont l’une des activités de l’espace rural, mais pas seulement : certaines campagnes sont industrielles, touristiques, résidentielles …

Morrisonville : Peut-on faire de la géographie depuis son fauteuil ?

morrisonvillePour réaliser les cartes ci-dessus, je n’ai pas eu à quitter mon fauteuil. Il m’a suffit d’une recherche « Morrisonville » sur Google Maps pour télécharger le plan et la photographie aérienne de la ville à différentes échelles grâce à une saisie d’écran. L’article « Morrisonville, Illinois » dans Wikipedia m’a permis de découvrir la population de la ville, un millier d’habitants en 2010, et d’obtenir la liste des principaux édifices de la ville, notamment ses quatre lieux de culte (First Baptist Church, First United Presbyterian Church, St. Maurice Catholic Church, The United Methodist Church). Un retour sur Google Maps permet de localiser les édifices sur le plan de la ville. Enfin, le site du US Census Bureau donne toutes les informations démographiques, y compris ethniques. L’âge médian de la population est de 39 ans. 96% de la population serait blanche, les Asiatiques seraient 21 (1,8%). Enfin la ville compterait 5 personnes noires, avec une marge d’erreur de plus ou moins 7 personnes … Pour finir, une recherche Google Images nous permet de mettre un visage sur cette ville anonyme, située dans l’Ilinois, quelque-part entre Springfield et Shelbyville, grâce au site d’un photographe amateur :

morrisonville-photo

Comparaison de quatre agglomérations urbaines françaises : superficie et population (Caen, Toulouse, Rennes, Montbéliard)

Cette page a pour but de permettre une comparaison rapide entre quatre agglomérations urbaines françaises. Les quatre agglomérations sont représentées à la même échelle, pour faciliter la comparaison des superficies. Pour chaque agglomération sont indiqués les différents chiffres de la population donnés par l’INSEE. Le rang correspond au rang de l’agglomération parmi les autres agglomérations françaises.

La population communale est à la fois le chiffre le plus souvent cité et le moins pertinent. Il ne prend en compte que la population de la « ville-centre » de l’agglomération, ou « commune éponyme », celle qui a donné son nom à l’agglomération. Dans le cas de Montbéliard par exemple, les 4 334 habitants de Sochaux ne sont pas comptés parmi les 27 043 habitants de Montbéliard, alors que les deux villes sont morphologiquement et fonctionnellement intégrées.

L’unité urbaine est considérée « un ensemble d’une ou plusieurs communes présentant une continuité du tissu bâti (pas de coupure de plus de 200 mètres entre deux constructions) et comptant au moins 2 000 habitants. La condition est que chaque commune de l’unité urbaine possède plus de la moitié de sa population dans cette zone bâtie. » (définition de l’INSEE)

L’aire urbaine est la définition urbaine la plus englobante. Ce n’est plus la morphologie qui est prise en compte (continuité du bâti) mais la polarisation par l’agglomération de l’espace qui l’environne. Elle tient compte de l’évolution des modes de vie, des phénomènes de péri-urbanisation et de l’allongement des mobilités domicile-travail. L’INSEE définit une aire urbaine comme « est un ensemble de communes, d’un seul tenant et sans enclave, constitué par un pôle urbain, et par des communes rurales ou unités urbaines (couronne périurbaine) dont au moins 40 % de la population résidente ayant un emploi travaille dans le pôle ou dans des communes attirées par celui-ci. »

comparaison superficie agglomérations françaises

Commentaire

CAEN : L’agglomération de Caen est caractérisée par une forte croissance périurbaine. Une partie importante de la population de la capitale bas-normande est allée grossir les communes rurales de la campagne caennaise. Cette périurbanisation n’est pas prise en compte dans la population de l’unité urbaine. La polarisation par Caen d’un large territoire est visible par l’importante population de l’aire urbaine, deux fois plus nombreuse que celle de l’unité urbaine. Cette caractéristique se retrouve dans le rang de la ville : elle est la 31e de France par la population de son unité urbaine, mais seulement la 21e pour la population de l’aire urbaine.

RENNES : Rennes est réputée pour être une ville particulièrement dense, par comparaison avec des agglomérations françaises de taille comparable. (cf. travaux de Patrick Pigeon). On remarque sur le croquis le très faible éclatement de la morphologie urbaine, avec peu d’îlots de peuplement périurbains. Au contraire, la population est concentrée dans la ville-centre et dans quelques communes périphériques. Le graphique (à gauche de la vignette) montre cependant le même écart du simple au double entre aire urbaine et unité urbaine. En effet, les noyaux urbains proches mais non contigus, ainsi que des communes plus éloignées, représentent une population nombreuse, effectuant chaque jour un trajet domicile-travail vers Rennes. La taille de l’aire urbaine (visible sur le graphique mais pas sur la carte) reflète l’importance des mobilités pendulaires dans l’agglomération.

TOULOUSE : Comme Rennes, la ville est l’une de celles qui a connu l’une des plus fortes croissances démographiques en 20 ans. Entourée comme Caen et Rennes par une plaine agricole peu accidentée, l’étalement urbain y a rencontré peu de résistance. On retrouve de façon distincte les trois phénomènes propres à la croissance urbaine au XXe siècle : urbanisation en « tache d’huile« , avec intégration de noyaux urbains voisins, urbanisation en « doigts de gant » le long des axes de communication, et mitage (développement d’îlots de peuplement périurbains).

MONTBÉLIARD : Les mêmes phénomènes se retrouvent à une échelle différente, dans une agglomération plus petite et moins dynamique. La croissance régulière de l’unité urbaine sous l’impulsion ancienne de l’industrialisation (automobile) a conduit à la fusion de Sochaux et Montbéliard. Cette croissance de la ville a cédé le pas à celle des communes voisines (Beaucourt). L’exemple de Montbéliard illustre bien le risque existant à se contenter de la population communale de la ville-centre pour évoquer la taille d’une ville.

La France : agriculture et pêche, spécialités régionales

La France, agriculture et pêche, croquis de synthèse

La France, spécialités régionales, un clin d’œil aux cartes murales d’autrefois 😉

COMMENTAIRE

On retrouve sur la carte, entre autres :

ALSACE : farine de blé (gâteaux et pâtisseries : kouglof), vins blancs d’Alsace, bière d’Alsace
AQUITAINE : huîtres (Arcachon, Oléron), pin des Landes, foie gras et charcuterie du Périgord, fromages basques (Ossau Irati), tabac, vins rouges et blancs (Bordeaux, Entre-deux-mers, Médoc, Graves…)
AUVERGNE : fromages de vache (St Nectaire…), poissons de la Loire et de l’Allier
BOURGOGNE : petits fruits (cassis, myrtilles) de Dijon, charcuterie du Morvan, poissons de la Saône, vache charolaise, vins rouges et blancs de Bourgogne (Côte de Beaune, Côte de Nuits …)
BRETAGNE : poissons et fruits de mer, charcuterie (Andouille de Guéméné), cidre, pommes
CENTRE : gibiers des marais de Sologne et Brenne, vins blancs du Sancerrois, vins rouges de Tourraine et Vouvray
CHAMPAGNE-ARDENNE : gibier des Ardennes (son fameux sangler !), vins de champagne
CORSE : charcuterie (saucisson, figatelli…), châtaigne, fromages secs
FRANCHE-COMTE : charcuterie (saucisse de Morteau…), fromages de vache (comté, cancoillote…), poissons de la Saône, vins blancs du Jura
GUADELOUPE : canne à sucre, bananes
GUYANE : canne à sucre, gibier et poisson de la forêt amazonienne
ÎLE-DE-FRANCE : Brie de Meaux et de Melun, farine de blé et céréales
LANGUEDOC-ROUSSILLON : fromages des Pyrénées, vins rouges du Languedoc, poissons de la Méditerranée, fruits, châtaigne des Cévennes, sel de mer
LIMOUSIN : fromages, vache limousine
LORRAINE : fruits (mirabelle), gibier et miel des Vosges, poissons de la Meuse et de la Moselle, vins blancs de Moselle
MARTINIQUE : bananes
MIDI-PYRÉNÉES : poulet du Gers, foie gras, fromages des Causses, charcuterie (saucisse de Toulouse…), tabac, vins rouges (Albigeois…)
NORD-PAS-DE-CALAIS : bière de Flandre
NORMANDIE : cidre, fromages de vache (Camembert, Livarot…), poissons et fruits de mer, pommes
PAYS DE LOIRE : charcuterie (rillettes du Mans…), fromages mayennais, fruits de mer, pommes et poires, poulets de la Sarthe, vins blancs (Muscadet…), vins rouges d’Anjou, sel de Guérande
PICARDIE : céréales, betterave, gibier d’eau de la Baie de Somme, poissons de mer, pomme de terre
POITOU-CHARENTES : vins (Pineau), apéritifs des Charentes (Armagnac, Cognac, fromages de chèvre (Chabichou), fruits de mer
PROVENCE-ALPES-COTE D’AZUR : fruits méditerranéens, fromages de brebis des Hautes-Alpes, olives et huile d’olive, poissons de la Méditerranée, vins de Provence, sel marin
RÉUNION : ananas, canne à sucre
RHÔNE-ALPES : poules de Bresse, charcuteries lyonnaises (rosette, jésus…), fromages de vache de Savoie (tomes..), abricots de la Drôme, olive et huile de Nyons, vins blancs (Côte Rôtie), vins rouges (Beaujolais, Côte du Rhône).

J’espère ne heurter aucune sensibilité régionale. Pour des raisons évidentes de lisibilité de la carte, toutes les spécialités culinaires régionales n’ont pas pu être représentées ! 

Carte des grands domaines bioclimatiques dans le monde

Outils cartographiques destinés aux enseignants et à leurs élèves, pour les grands repères spatiaux à l’échelle du Monde.

Localisation des grands fleuves et des domaines bioclimatiques. L’accent étant placé sur les régions peu peuplées, on peut utiliser ces cartes dans le chapitre consacré aux faibles densités. Un diaporama à projeter en classe permet d’accompagner le travail des élèves.

Cartes libres de droits pour un usage en classe uniquement. Pour obtenir cette carte sous un autre format, nous contacter.

Les systèmes agricoles dans le monde

COMMENTAIRE

Une typologie des systèmes de production

    Cette carte a pour but de répondre à l’un des problèmes que peut poser le programme de seconde, celui de la typologie des systèmes de production. En effet, les systèmes de production ou systèmes agricoles peuvent être différenciés selon des critères fort nombreux : rôles des communautés agraires, rendements à l’hectare, la productivité, le niveau de vie des agriculteurs, la place de l’élevage, etc. (DIRY, 1999). Or les enseignants (et les élèves !) ont besoin, pour présenter de façon synthétique les différentes agricultures, d’une typologie simple. Le choix a donc été pris de proposer une légende à double entrée. Les deux critères choisis sont l’intensivité (rendements élevés à l’hectare) et la nature dite « paysanne » ou commerciale de l’agriculture. On considère qu’une agriculture paysanne est une agriculture pratiquée dans des sociétés où l’activité agricole a une forte place, exercée par une part importante, voire majoritaire de la population. Elle peut être vivrière, c’est-à-dire que la plus grande partie de la production est consommée sur place. Dans l’agriculture commerciale à l’inverse, l’essentiel de la production est destiné à être transporté et vendu. Elle est le plus souvent le fait de sociétés où la part des actifs agricoles est faible, et elle peut demander des investissements importants.

    La carte est évidemment caricaturale, parce qu’elle tente de répondre à un besoin pédagogique de simplification. Il est évident que plusieurs systèmes peuvent cohabiter sur un même espace.

Explication de la légende

agriculture paysanne agriculture commerciale
très intensive L’agriculture paysanne intensive concerne au premier chef les grands foyers de production asiatiques. Dans ces régions, la Révolution Verte a permis depuis les années 1960 de répondre aux besoins d’une population en forte croissance, notamment grâce à des techniques modernes d’irrigation. On a inclus dans ce type les hauts plateaux mexicains et malgaches, et les vallées irriguées du Moyen-Orient. Les rendements peuvent être très élevés. L’agriculture productiviste est née de la seconde révolution agricole dans les pays du Nord. La production est très motorisée, demande des investissements lourds, et les rendements à l’hectare sont très élevés. L’Europe du Nord-Ouest en offre l’exemple le plus abouti.
L’agriculture méditerranéenne est caractérisée par une grande diversité des productions (polyculture). Les rendements élevés sont souvent à l’usage de l’irrigation et à une main d’oeuvre nombreuse.
assez intensive L’agriculture paysanne traditionnelle regroupe des agriculture très diverses. On a fait le choix d’y inclure l’agriculture collectiviste en reconversion. Certes l’intensivité, les moyens matériels et les conditions du milieu sont très variables des savanes africaines à l’Europe orientale, mais d’une manière générale c’est une agriculture qui connaît des difficultés structurelles. L’agriculture de plantation est difficile à cartographier car il s’agit plus d’un archipel de cultures que d’un système couvrant de vastes espaces. Elle correspond à une forme coloniale d’exploitation agricole. Il s’agit de culture pérennes (arbres ou arbustes) et tropicales ou subtropicales.
Elles engendrent souvent des sociétés très inégalitaires, et ont été marquées aux Amériques par l’esclavage.
extensive L’élevage nomade correspond à une utilisation très extensive d’un espace soumis à de fortes contraintes, notamment l’ariditié. Ces contraintes limitent l’agriculture à des oasis isolés. On retrouve ce système dans une large bande allant du Sahara aux steppes d’Asie. La céréaliculture commerciale extensive est un système typique des « pays neufs » (Etats-Unis, Australie, Canada …). Elle est extensive parce les rendements à l’hectare sont plus faibles qu’en système productiviste, mais en raison des très vastes surfaces cultivées, elle dégage des excédents importants permettant l’exportation.
très extensive Quelques groupes de chasseurs-cueilleurs subsistent dans le désert australien et les forêts équatoriales d’Amérique, d’Afrique et d’Océanie. On trouve également dans ces forêts une forme d’agriculture nomade, l’agriculture itinérante sur brûlis. On trouve enfin des éleveurs nomades de grands cervidés dans les régions froides du Grand nord canadien et russe L’élevage commercial extensif s’étend dans les régions des « pays neufs » qui ne se prêtent pas aux cultures en raison de contraintes trop fortes (aridité notamment). Les cheptels vivent en semi-libertés dans de très vastes espaces, et surveillés par une main d’oeuvre très peu nombreuse (dont l’archétype est évidemment le « cow boy » américain, nommé gaucho en Argentine)

Los Angeles : laboratoire de la périurbanisation

1. Les Nimbies d’après Mike Davis

« Certains diront que ça ne pouvait arriver que dans la San Fernando Valley. La conseillère municipale Joy Picus était harcelée nuit et jour par un groupe de résidents dénommés « West Hills Open Zone Victims ». Pétitions, coups de téléphone, prises à partie dans des réunions, embuscades à la sortie de son bureau, ils ne reculaient devant rien pour se faire entendre. […] A leur ton fiévreux, un observateur extérieur aurait pu croire que ces gens demandaient réparation en tant que victimes d’une tragédie majeure : catastrophe aérienne ou explosion de gaz à proximité d’une école, décharge de déchets toxiques […].

« En fait personne n’était mort, les écoles étaient intactes, la pollution n’y était pas plus grave que dans le reste de la vallée, asphyxiée par le smog, et aucune rencontre du troisième type n’avait été signalée. La seule raison du courroux de ces « victimes » était l’insensibilité de Joy Picus à leur désir de ne plus faire partie de Canoga Park. Pour comprendre la teneur de cette colère, il importe de se rappeler quelques données fondamentales sur les banlieues résidentielles de Los Angeles :
1) Comme les Siciliens dans L’Honneur des Prizzi, les propriétaires de Los Angeles aiment leurs enfants mais ils aiment encore plus leur patrimoine immobilier
2) A Los Angeles, la notion de « communauté » (community) suppose l’homogénéité d’un quartier en termes de race, de classe et surtout de valeurs immobilières. Les noms des quartiers – c’est-à-dire les panneaux qui permettent d’identifier des secteurs comme « Canoga Park », « Holmby Hills » ou « Silverlake » –  n’ont aucun statut légal. Ils ne sont rien de plus que des faveurs accordées par les conseillers municipaux à des habitants ou à des commerçants qui ont su s’organiser pour faire reconnaître leur quartier.
3) Le « mouvement social » le plus puissant aujourd’hui en Californie du Sud est celui des propriétaires aisés regroupés sous la bannière de leur quartier pour en défendre l’exclusivité et préserver la valeur de leur patrimoine immobilier. C’est ainsi que plus de trois mille propriétaires de résidences situées sur les collines du secteur ouest de Canoga Park lancèrent en 1987 une pétition pour faire rebaptiser leur secteur « West Hills ». Pour les membres de l’Association des propriétaires de West Hills, il était inconcevable de devoir contempler depuis les patios de leurs villas à 400 000 dollars les minables habitations à 200 000 dollars qui s’étendaient à leurs pieds à l’est de la Platt Avenue. »

2. La ségrégation socio-spatiale en action

Cet extrait assez long est une illustration éclairante de notions de sociologie urbaine parfois difficiles à concrétiser en géographie. Los Angeles est un laboratoire urbain à l’échelle 1:1, un archétype de la ville tentaculaire, non verticale comme l’avait imaginé Fritz Lang mais horizontale. En cela, elle est aussi une anti-ville : horizontale, polycentrique, centrifuge … Les interminables banlieues de la mégapole sont un terrain de jeu idéal pour le sociologue acerbe et cynique qu’est Mike Davis. Ce texte illustre les enjeux de la périurbanisation en présentant les nimbies comme un mouvement puissant et déterminé, bien que ce type d’organisation soit par essence ultra-locale. Le terme de nimby est un acronyme de Not In My Backyard (N.I.M.B.), littéralement « pas dans mon jardin ». Il désigne les mouvements de propriétaires opposés à tout aménagement susceptible de faire baisser la valeur foncière de leur propriété.  En effet, tout aménagement supposé bénéfique à petite échelle (nationale ou régionale) tel qu’une autoroute ou un aéroport déclenche à grande échelle (locale) un mouvement de protestation nimby. En France, ces mouvements sont souvent liés à des projets d’infrastructures. Or les Nimbies décrits ici par Davis sont d’une autre espèce : ils militent pour empêcher que soient regroupés dans un même quartier des familles de classes sociales ou de couleur de peau différentes. L’enjeu ici est la création pour les résidents des « villas à 400000 dollars » d’un nouveau quartier, West Hills, distingué dans l’espace de Canoga Park où s’installent des « communautés » différentes dans des « villas à 200000 dollars » (seulement !). L’extrait pose la question de la ségrégation socio-spatiale à Los Angeles. La périurbanisation a accentué ce phénomène de séparation des classes sociales dans l’espace. En réalité la mixité sociale n’a jamais été la règle et tout espace urbain (et même rural) est organisé en fonction d’une hiérarchie sociale, qu’elle soit fondée sur les revenus ou sur d’autres critères (les castes dans les villages indiens). Ici cependant elle est remarquablement visible : les banlieues de Los Angeles sont un beau spécimen, un bel archétype de ségrégation socio-spatiale. L’un des problèmes de la ville est d’ailleurs la « municipalisation », mouvement qui voit les quartiers riches se séparer de la municipalité de Los Angeles pour ne pas avoir à payer les externalités négatives de la pauvreté. Ce mouvement centrifuge, exact opposé de l’intercommunalité à la française, accentue les inégalités de revenu entre les municipalités, à l’intérieur de l’agglomération de Los Angeles.

3. L’image de la périurbanisation

G_villes_Los_Angeles_westhillsSur la photographie aérienne verticale ci-contre, tirée de Google Earth, on s’est amusé à retrouver le quartier de Canoga Park cité par Mike Davis (Cliquez pour agrandir l’image). Une décennie plus tard, le Canoga Park est référencé dans Google Earth en tant que commune, de même que West Hills, qui a donc obtenu le divorce. L’image montre un bel exemple de discontinuité spatiale à West Hills, et il est particulièrement aisé de la découper en trois parties. On peut diviser l’image par une ligne verticale séparant un rectangle de désert et un rectangle urbanisé. Le rectangle urbanisé se divise à son tour en deux parties. Au nord s’étalent des villas de taille modeste. La quasi-totalité d’entre elles est dotée d’une piscine. Elles donnent directement sur des rues serpentant le long des courbes de niveau. Les jardins laissent entrevoir l’aménagement de terrasses : ce secteur de collines présente de fortes pentes. En bas du rectangle urbanisé, les villas et les jardins sont plus spacieux. La voirie est moins dense et on remarque l’absence totale de contact entre le quartier très riche et le quartier riche : la séparation est nette et les rues ne se rejoignent pas. A l’Ouest de la photographie s’étend le désert. Le climat est aride et la végétation est rare, ce qui nous donne un indice sur la consommation d’eau des villas et des jardins voisins. Entre le désert et la ville, une limite de comté, qui rappelle combien, à cette échelle, les limites administratives peuvent influencer l’organisation de l’espace. Cette photographie peut faire réfléchir à la fois sur le déterminisme (on voit, dans ces montagnes arides, que les limites de l’occupation humaine sont celles que les Hommes s’imposent eux-mêmes, et non les contraintes naturelles), et sur les enjeux de la périurbanisation, en terme de projet sociétal et de coût environnemental.

Jean-Benoît Bouron

Sources
Texte : Mike Davis, City of Quartz. Los Angeles, capitale du futur, éd. de La Découverte, 2000.
Image : Google Earth, 2007,2009