« La molécule du territoire » ou l’ADN du cartographe

En passant par la Lorraine, oubliez les sabots, et armés de vos godillots, proximité de la Voie sacrée oblige, optez plutôt pour une expo…, et une expérience géographique totale…Sur le territoire forestier de six communes rurales, vous pouvez en effet découvrir la centaine d’œuvres d’art In Situ de l’Espace rural d’art contemporain du Vent des forêts, situé au cœur du département de la Meuse, à bonne distance des agglomérations. Et pour apprécier le parcours des œuvres, il est conseillé de se munir d’une bonne carte, et de tester vos talents d’orientation.

Carte de situation du Vent des Forêts par nous-même

Le parti-pris de cette carte est par ailleurs particulièrement intéressant. En représentant le plan cadastral, les courbes de niveau, et la toponymie des lieux-dits, la carte affirme ainsi la co-présence des œuvres avec le milieu naturel et forestier du territoire, au risque de rendre moins lisible l’information touristique liée au parcours des œuvres. Cet ancrage dans la topographie, le patrimoine et les usages du parcellaire de ce coin de la France dite « du vide », affirme certes la typologie d’un espace rural considéré comme isolé, mais elle a aussi l’immense avantage de montrer instantanément ce territoire comme un espace plein et habité, où l’objet touristique de la visite n’occulte pas les autres fonctions du territoire. La charte du promeneur qui accompagne la légende finit de contextualiser la présence des œuvres et de convaincre le promeneur/visiteur de consulter le calendrier des jours de chasse avant de s’aventurer sur les sentiers du Vent des forêts – symbole d’une cohabitation bienheureuse.

Ainsi, au mois d’octobre 2011, après un bœuf-carotte à tomber par terre au café-restaurant de madame Fernande Simon (Contact : Bistrot de Lahaymeix, T – 03 29 75 01 81), j’ai fait voguer mon fidèle destrier blanc sur les chemins de terre humide, mettant à l’épreuve mes amortisseurs et ma lecture de la carte afin d’alterner au mieux la randonnée et les liaisons motorisées… Et parmi toutes les œuvres visitées, observées, contemplées et surtout recherchées…, le travail d’Evariste Richer exposé au n°163 Bois de Bannoncourt (voir la reproduction du détail de la carte), à proximité d’un « Gros Caillou » cousin de celui des « croix-roussiens » -, avait éveillé ma curiosité dès la lecture de son nom.

source carte VDF 2012

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Le littoral breton : modèle théorique (bloc diagramme)

littoral breton bloc diagramme

Je rappelle qu’un bloc diagramme est un exercice de modélisation de la réalité qui n’a pas pour objectif d’en être une représentation exhaustive et fidèle, mais de dégager des éléments d’interprétation dans un objectif pédagogique. Comme tout document pédagogique, il comporte des raccourcis et des simplifications : à ce titre il n’est pas une production scientifique. Le document d’appui est ici la carte de Saint-Pol-de-Léon au 1/50000, mais l’illustration se veut plus générale du littoral breton.

Le relief de la Bretagne intérieure est marqué par un sous-sol granitique (1) et un modelé en « creux et bosses » caractéristique de l’érosion des plis hercyniens. Au contact avec la mer, ce relief donne des embouchures profondes, les abers (2), des vallées ennoyées par la transgression flandrienne. Le littoral est marqué par une côte très ciselée. Les plages de fond de baie (3), avec un estran de largeur modeste, occupent les rentrants. Les saillants sont caractérisés par des pointes rocheuses (4), des presqu’îles, et des îles (5).

Ce littoral attire plutôt un tourisme familial d’habitués qu’un tourisme de masse, mais des aménagements de loisirs sont visibles : accès aux plages (3), centres de vacances, complétées par une offre diffuse dans l’arrière-pays.

Les agglomérations (6) sont ici symbolisées par quelques maisons, il s’agit souvent d’unités urbaines petites ou moyennes, de plusieurs milliers d’habitants. L’activité de pêche reste vivace et pourvoyeuse d’emploi dans de nombreux ports (6) ; s’y ajoutent les navettes touristiques vers les îles ou les ports voisins. Les ports servent aussi à l’import d’intrants agricoles et à l’export des produits agro-alimentaires.

La structure traditionnelle de l’arrière-pays est le bocage (7) : il s’agit d’une structure d’enclos, où les prairies et les cultures sont ceintes par des haies vives. L’habitat y est dispersé en fermes identifiées par des toponymes (lieux-dits), l’eau y est abondante sur un sous-sol imperméable (1), sous forme de cours d’eau et de mares. Cette structure s’est spécialisée dans l’élevage bovin laitier notamment sous l’influence de la PAC (1962). La modernisation de l’agriculture a souvent pris la forme d’un remembrement (8) ou d’un réaménagement foncier, ce qui peut se traduire par l’arrachage des haies et l’augmentation des surfaces de labours ou de prairies dite artificielles. Le système breton s’appuie sur une main d’œuvre bien formée et organisée (rôle des organisations de jeunesse comme les JAC) qui investit rapidement dans l’élevage intensif (9) porcin ou avicole. Les conséquences environnementales sont bien connues : infiltration des matières azotées consécutive aux épandages massifs et eutrophisation des cours d’eau (10) dont l’un des corolaires est le développement d’algues vertes (11), peut-être un peu caricatural sur le document. Le Nord du Finistère est parfois qualifié de « ceinture dorée » en raison de la production importante de fruits et légumes, souvent sous serres (12).

Ces activités sont liées à la présence de voies de communication (la voie rapide construite dans les années 1970 au cours du « plan routier breton » n’a pas été représentée car plutôt en retrait du littoral pour éviter les embouchures profondément échancrées de cours d’eau, on lui supposera donc une voie d’accès (13). La Bretagne reste enfin la première région pour les emplois dans le secteur agro-alimentaire. Les établissements industriels (14), nombreux, se chargent de transformer et de conditionner les produits de l’élevage, du maraîchage, et des produits de la mer (pêche, aquaculture)

Les dynamiques démographiques sont moins impressionnantes que sur d’autres littoraux moins périphériques, mais on observe une périurbanisation (15), modeste compte-tenu de la population totale des unités urbaines, mais secondée par l’existence de résidences secondaires. Le phénomène est sous représenté sur l’illustration, parce que c’est très long de dessiner beaucoup de petites maisons.

Remerciements à PMG pour ses conseils critiques.

Le vent souffle, en Ar(t)izona…

À défaut d’aller zoner dans un état d’Amérique avec Harry, une carte « décoiffante » permet de visualiser en direct les courants éoliens au-dessus des États-Unis en saisissant les « entrelacs délicats des vents ».

Si la cartographie des phénomènes météorologiques est très largement standardisée dans les médias classiques, et constitue (il faut bien le reconnaitre) l’un des contacts les plus universel avec l’outil cartographique, l’exercice prend ici une dimension esthétique salutaire, qui permet de s’affranchir de nos codes sémiologiques classiques, pour amener à « ressentir » l’intensité et la direction des vents grâce à un figuré en forme de comète, tel des lignes blanches mouvantes.

Ce travail est l’œuvre de la collaboration entre Fernanda Viégas et Martin Wattenberg (voir leur site collaboratif), deux spécialistes dans les techniques de visualisation de données. Issus de la recherche académique (l’une est titulaire d’un Ph.D de design et de conception graphique, l’autre d’un Ph.D de mathématique), ils ont uni leurs compétences dans un groupe de recherche à Cambridge dans l’idée d’explorer « les possibilités de visualisation comme un outil pour poser des questions scientifiques, sociales et artistiques ».

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