On associe, souvent de manière systématique, l’ensoleillement à la qualité de vie. La notion de sun belt, à ce titre, est l’un des concepts les plus durablement ancrés dans la géographie scolaire des États-Unis. La sun belt est inventé par le journaliste K. P. Phillips en 1969 pour expliquer… le vote républicain !1Pour le journaliste, la croissance des espaces périphériques ensoleillés explique en partie la victoire de Nixon. Lire à ce sujet cet excellent article : Marielle Wastable, « La notion de belt dans la géographie scolaire française des Etats-Unis », Cybergeo : European Journal of Geography [En ligne], Epistémologie, Histoire de la Géographie, Didactique, document 495, mis en ligne le 14 avril 2010, consulté le 27 juin 2013. URL : http://cybergeo.revues.org/23009 Aujourd’hui, elle désigne des espaces du sud et de l’ouest des États-Unis ayant une forte attractivité. Elle est liée tout naturellement à la notion d’héliotropisme, l’attractivité pour les espaces ensoleillés. La notion est cependant nuancée : Seattle est placé dans cette ceinture ensoleillée, alors que le climat y est notoirement brumeux et pluvieux. Cette sun belt finit même par être appliquée à la France : les régions de la façade atlantique jusqu’au midi méditerranéen sont plus attractives pour les activités et la population que les anciens espaces industriels et les espaces ruraux sur l’intérieur. L’héliotropisme est, là encore, présenté comme une composante de cette attractivité, et tant pis pour le crachin breton.
Ces deux cartes de l’Italie permettent de questionner ce lien presque évident entre soleil et attractivité. La première présente la qualité de vie dans les régions italiennes, réalisée à partir de 36 indicateurs (pas un de moins !) et montre une Italie du Nord verte, où il fait bon vivre, et un invivable Mezzogiorno écarlate. La seconde présente les potentialités du territoire pour l’énergie solaire. Il s’agit d’un secteur porteur, envisagé comme une piste pour un développement durable s’appuyant sur l’économie verte. L’auteur est la Commission Européenne. On voit au premier coup d’œil que le Mezzogiorno est bien l’espace d’avenir pour cette énergie renouvelable en Italie, la Sicile battant les records d’ensoleillement. Les deux cartes sont facilement superposable, montrant une Italie du Nord peu ensoleillée mais dotée d’une excellente qualité de vie, et une Italie du Sud où l’énergie solaire a de l’avenir, mais pas la population.
On a donc une corrélation parfaitement inverse entre l’ensoleillement et la « qualité de vie ». Il reste néanmoins à interroger cette notion : quels indicateurs ont été privilégiés ? Quelle est la méthodologie adoptée ? La carte de la qualité de vie n’est pas seulement superposable avec celle de l’ensoleillement, mais aussi avec celle du PIB/habitant. (Ci-dessous, à l’échelle de l’Union). A-t-on interrogé les habitants, leur a-t-on demandé s’ils étaient heureux, ou bien s’est-on appuyé sur le pouvoir d’achat et le taux de chômage ? On sait que les Afghans se déclarent volontiers plus heureux et plus optimistes que les Français, et que le Bhoutan a proposé de créer un indicateur du « Bonheur National Brut ». On voit bien la limite de ces comparaisons : le pessimisme des Français est peut-être un problème de riches qui ont tout à perdre, et l’optimisme des Afghans un espoir de peuple démuni qui a tout à gagner (?). Pour autant, peut-on résumer le bonheur à la productivité économique ?
Notes
↩1 | Pour le journaliste, la croissance des espaces périphériques ensoleillés explique en partie la victoire de Nixon. Lire à ce sujet cet excellent article : Marielle Wastable, « La notion de belt dans la géographie scolaire française des Etats-Unis », Cybergeo : European Journal of Geography [En ligne], Epistémologie, Histoire de la Géographie, Didactique, document 495, mis en ligne le 14 avril 2010, consulté le 27 juin 2013. URL : http://cybergeo.revues.org/23009 |
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