Un récent article d’Audrey Garric, paru dans Le Monde, offre un bon exemple de conflit d’usage pour un espace protégé. Il s’inscrit au cœur des thématiques étudiées en histoire-géographie en classe de 2nde. Un conflit d’usage est, en géographie, une tension entre plusieurs acteurs spatiaux qui cherchent à utiliser la même ressource ou le même espace, ces utilisations étant contradictoires. Ici, l’existence d’un Parc National protégé aux portes d’une ville, est fragilisée à la fois par les pollutions d’origine urbaine et par la pression urbaine. L’habitat informel, l’autre nom des bidonvilles (slums en anglais), autoconstruit et par définition illégal, tend à se développer dans les interstices et les marges urbaines. La progression de l’habitat informel ne touche pas le parc, mais réduit l’espace disponible autour de la ville : la zone protégée est de plus en plus considérée comme une réserve foncière. Les autorités kényanes ont déjà autorisé la construction d’infrastructures routières et ferroviaires à l’intérieur des limites du parc.
L’article d’Audrey Garric illustre les enjeux du développement durable dans les villes du Sud. La rapidité de l’urbanisation (Nairobi, 3 millions d’habitants en 2009, a été fondée en 1899) entraîne une forte artificialisation des surfaces agricoles (ici plutôt pastorales) et naturelles. Il s’agit aussi d’une urbanisation de très faible densité à l’exception du CBD (dont la disposition conforme ici au modèle théorique de la ville africaine tel qu’on l’enseignait il y a dix ans, ci-dessous).
La périurbanisation s’étend presque à l’infini autour de Nairobi, et même l’espace rural, pastoral et parcouru par les itinéraires migratoires des grands mammifères, est mité par l’habitat. Ce mitage pose problème aux circulations animales, qu’il s’agisse des troupeaux des bergers massaïs ou de la faune sauvage. La présence de cette faune sauvage n’est pas seulement un enjeu écologique mais aussi économique : elle attire des flux touristiques nombreux, en particulier si près d’une si grande métropole africaine. Lorsque le tourisme dépend de la nature, la disneylandisation de cette dernière n’est jamais loin. Ce mot de Sylvie Brunel décrit la mise en tourisme d’un espace s’appuyant sur une mise en scène destinée à offrir au public les images qu’il a en tête et qui correspondent au cliché, ou au folklore, plutôt qu’à la réalité. Les problèmes d’eau sont aussi à noter à cette latitude où la saison sèche est longue : de nombreuses piscines privées sont visibles dans la banlieue aisée sur les vues aériennes. Les questions environnementales et économiques sont profondément imbriquées aux problèmes sociaux. La présence d’un habitat informel, dont les autorités tiennent compte face au fait accompli, rappelle que 46 % des Kényans vivent sous le seuil de pauvreté, et que la prévalence du SIDA chez les 15-49 ans y est de 7,8 %, d’après l’UNICEF.
J’ai eu envie après lecture de cet article de réaliser une carte de synthèse présentant la situation à Nairobi. L’idée est de réutiliser le vocabulaire appris en classe de 6e (bidonville ou habitat informel, CBD, périurbanisation) en développant les thèmes des programmes du lycée : pression urbaine, densité du bâti, explosion urbaine des villes du Sud et difficulté à mettre en œuvre, sinon une ville intelligente, au moins une ville durable.
A lire : Audrey Garric, « Au Kenya, le parc national de Nairobi au bord de l’asphyxie », Le Monde, 07/02/2015, cliquez ici.