L’infographie principale est reproduite en fin d’article – pour y accéder en taille réelle, cliquez sur l’image.
Les français vont-ils en faire tout un fromage ? Car avec le nouveau découpage territorial, c’est toute l’architecture des référents identitaires régionalistes qui vacille…, et c’est une part de notre géographie culturelle qui se recompose1même s’il faut bien rappeler que celle-ci ne cesse jamais de se recomposer et qu’il faut avoir à l’esprit que ce que l’on appelle aujourd’hui la « tradition » est souvent un construit social fruit de nombreuses adaptations et inventions. Dans ce contexte, la France des fromages2pour tout savoir sur ce sujet, je ne saurais trop recommander la lecture de La France fromagère de Claire Delfosse m’est apparue comme un potentiel sujet géographique pour éclairer le débat régional : car d’une part, ces productions agricoles spécifiques et localisées (avec leurs enjeux agricoles, techniques et environnementaux) contribuent à l’économie de filières productives insérées dans la mondialisation ; et d’autre part, les fromages sont devenus des produits de terroirs, reconnus et appropriés par des consommateurs du monde entier (comme sur la photo n°1), et identifiés pour leur lien avec la valorisation des paysages des régions françaises et du patrimoine culturel du pays.
Ces jeux d’échelle témoignent du pouvoir géographique des fromages. Car d’une part, on peut dire que la région (le territoire de production) sert à vendre le produit : l’origine géographique est un critère de qualité pour le fromage ; et que d’autre part, le produit (un terroir spécifique) sert à valoriser à la région : le fromage est un critère de qualité d’une région. Forts de ce double lien avec leur région, les fromages sont reconnus pour leurs spécificités par des labels et des appellations d’origine qui en garantissent l’originalité (étapes de fabrication et zone géographique)3c’est l’INAO (ex Institut National des Appellations d’Origine, devenu, Institut NAtional de l’Origine et de la Qualité) qui est chargé de la plupart des labellisations et certifications alimentaires : AOC/AOP, IGP, AB, Label Rouge, STG…, et ils contribuent donc à la patrimonialisation alimentaire. Ils sont donc régulièrement mobilisés par les collectivités dans le marketing territorial (c’est-à-dire l’art de vendre l’image d’un territoire), et par les industriels et les intermédiaires pour le marketing tout court. Se faisant, c’est toute la société qui s’imprègne de ces représentations et les fromages peuvent devenir de véritables objets de revendications au point d’être affichés comme des étendards sur des t-shirt4parmi de nombreux cas, voici deux exemples jurassiens ici et ici, à l’honneur de la cancoillotte…. Alors si l’on ajoute à cela une dose du contexte législatif et politique français actuel sur la réforme territoriale (ce qui, au passage, a permis aux géographes de se positionner et de faire entendre leurs voix5en témoigne encore récemment la triple contribution de géographes sur le sujet dans le journal Libération), ainsi qu’une pointe de mauvaise foi (à l’image des débats virulents que ce thème suscite parfois auprès de la population6en Alsace-Lorraine par exemple, même si cela suscite aussi des réactions humoristiques…), et vous obtenez une petite bombe territoriale, à faire pâlir le fromage embarqué par Astérix et Obélix dans leur célèbre aventure en Corse. Alors en cette veille de période électorale, histoire de persiller encore un peu le caillé culturaliste, et au risque de faire fleurir la croûte identitaire, je vous propose un match des fromages entre les nouvelles régions…!
Cette idée totalement inutile (en apparence…) est venue d’un commentaire sur les réseaux sociaux, suite à la publication de l’article sur les AOC (voir la carte tirée de l’article reproduite ici). Formulée sous la forme d’une boutade, la question initiale était de savoir si par hasard le découpage des nouvelles régions tenait compte de la répartition des AOC fromagères dans l’espace ? Soit grosso-modo, comprendre si l’on peut déceler un lien direct ou indirect entre les nouveaux ensembles régionaux et les aires de production des fromages. Et je dois bien avouer que cette question existentielle ne m’a plus quitté…
Les fromages d’appellations d’origine fournissent-ils des éléments d’analyse et de comparaison entre les nouvelles régions ? Pour loufoque que soit cette question, je me suis cependant rendu compte en écrivant ce papier que d’autres s’y étaient amusés avec des variables tout aussi peu sérieuses. Pourtant, si on a vu se multiplier ces derniers mois les outils statistiques divers pour comparer les nouvelles régions, où les indicateurs comme la superficie, la population et la richesse trouvent toujours une bonne place dans l’analyse ; force est de constater, que la densité des fromages d’appellation d’origine contrôlée est rarement utilisée comme variable comparative…! Profitant de ce « qu’entre la poire et le fromage »7expression faisant référence au moment à la fin du repas, lorsque la gaieté que donne la bonne chère fait qu’on parle librement… ce site nous donne un espace de permission, on peut laisser libre court à l’exploration de cette curiosité géographique, à l’apparence incongrue.
La première observation, qui s’impose assez rapidement, est de constater que malgré son statut privilégié dans la culture gastronomique française, le fromage ne peut pas servir de fondement culturel à l’échelle régionale8ce qui n’est guère étonnant tant les géographes ont montré que la localisation des fromages est certes liée à la logique géographique des terroirs mais qu’elle ne s’explique pas par le déterminisme du milieu géographique, mais plutôt par les échanges entre les sociétés humaines. Car, si certains ensembles régionaux sont bien dotés en AOC laitières et fromagères (pour le détail méthodologique, le lecteur peut se référer à l’article sur les AOC) d’autres le sont nettement moins. De fait, deux blocs s’opposent : d’un côté on relève des régions fortement fromagisées avec Auvergne-Rhône-Alpes et Bourgogne-Franche-Comté, tandis qu’à l’opposé on retrouve la Bretagne et les Pays-de-la-Loire où l’AOC semble un mot absent du vocabulaire courant (on notera qu’avec ou sans fusion le résultat était le même, quoique plus équilibré). Pourtant, cette partition n’a rien d’étonnant puisque l’on retrouve ici la vieille distinction entre, d’un côté, les régions qui commercialisent des fromages afin de valoriser un système herbager dans des zones difficiles (régions montagneuses, humides et éloignées des marchés d’écoulement – Massif-Central, Alpes, Jura qui produisent des fromages volumineux, à pâtes dures, pressées ou persillées) en s’engageant dans des démarches de qualité (via la labellisation AOC) ; et de l’autre, des régions engagées de longue date dans systèmes productifs productivistes intégrés à l’industrie agro-alimentaire (système breton et sa diffusion). Entre les deux, on retrouve une constellation de fromages dont la présence témoigne à la fois d’une forme de valorisation de la complémentarité des milieux (avec la conservation d’un pastoralisme diffus) et du maintien de la polyculture au sein des exploitations ; mais aussi d’une situation initiale à proximité de marchés urbains susceptibles d’écouler une production de petits fromages frais et à pâtes molles. On retrouve aujourd’hui ces AOC de fromages à pâtes molles dans des régions fortement urbanisées comme le bassin parisien (exemple typique des bries de Meaux et de Melun) ou dans des régions desservies par les transports de longue date et bien reliées aux consommateurs (la vallée du Rhône, le Val de Loire, la Normandie…). Certes aujourd’hui la proximité des marchés n’est plus une contrainte technique liée au transport frigorifique9110 000 véhicules spécialisés ; 41 000 salariés pour 500 entreprises ; 100 millions de tonnes de produits transportés ; 10% du trafic routier en France ; 145 000 km parcourus par an qui expliquerait la présence et la localisation de telle ou telle production, mais elle peut demeurer pleinement explicative avec la valorisation actuelle des produits locaux et de proximité dans les circuits courts.
Ce constat d’une forte hétérogénéité m’a donc conduit à construire une légende qui permette à la fois de localiser les productions laitières reconnues par une AOC, et d’y apporter des éléments complémentaires. Mettre en évidence le type de lait utilisé est une première variable qui aide à caractériser le système pastoral et paysager associé au fromage en distinguant les cheptels bovins, ovins et caprins. Ensuite, pour compléter la distinction des régions en fonction de leur densité fromagère (classement en fonction du nombre d’AOC laitière sur leur territoire), l’ajout d’une hiérarchie en fonction du nombre de litres de lait produits a vite été indispensable. Ce classement, mis directement en relation avec celui des AOC, permet d’illustrer clairement l’absence de corrélation entre production de lait et production de fromage. En effet, la région Bretagne première productrice de lait et aussi celle qui produit le moins d’AOC, tandis qu’en produisant presque 5 fois moins de lait chaque année, la région Languedoc-Roussillon Midi-Pyrénées compte 10 AOC sur son territoire. Cette distorsion des volumes est notamment liée au type d’élevage dominant, c’est pourquoi j’ai indiqué les chiffres relatifs au lait de chèvre ou de brebis lorsque cela méritait de l’être afin d’apporter un peu de nuance à la lecture des volumes bruts de lait. On obtient alors un palmarès des régions « médaille vs brique de lait », entre celles les plus primées et celles les plus productives.
Mais classer et trier les données pour mettre en valeur la distribution spatiale des variables (et donc ici des fromages…) n’est pas le seul apport de l’approche géographique. L’approche régionale permet en effet ici de mettre en scène la question des limites et peut-être répondre à notre angoisse liminaire… : le néo-régionalisme peut-il puiser dans les frontières fromagères une source d’identification ? Faute de nom satisfaisant suite à une fusion, les nouvelles toponymies régionales peuvent-elles s’inspirer d’un fromage qui incarnerait une forme d’unité territoriale ? Mais je dois couper court à toute cette fantasmographie fromagère, car l’analyse est formelle : seules 24 AOC sur 50 sont mono-régionales (c’est à dire que leur aire de production se limite à une seule région – c’est ce que j’ai appelé les appellations « uniques » sur le graphique). Avec plus de la moitié des appellations qui sont partagées entre plusieurs régions, les frontières de notre géographie culturelle des fromages ne semblent donc pas gagner en clarté. Et malgré la fusion des régions, de nombreux chevauchements demeurent et empêchent certains fromages de devenir des icônes territoriales. Pourtant l’Ossau-Iraty symbole basque des Pyrénées-Atlantique avait tout pour s’allier avec le Chabichou du Poitou pour incarner l’union de la nouvelle super région atlantique autour de ses deux AOC fromagères uniques…, mais la faute à 3 communes de l’aire d’appellation situées dans le département des Hautes-Pyrénées, ce rêve d’une union fromagère s’est écroulé et l’Ossau-Iraty se retrouve partagé entre deux régions… Un autre exemple concerne l’Alsace-Lorraine-Champagne-Ardenne : ici, malgré leurs désaccords, les habitants de l’ALCA allaient pouvoir se réconcilier en célébrant une unité retrouvée autour des chaumes vosgiennes et du célèbre Munster…, quand patatras, l’écheveau identitaire s’emmêle à nouveau, la faute à quelques communes périphériques de l’aire de production situées en Haute-Saône…
En clair, la lecture stricte des aires d’appellation n’arrange pas notre affaire. C’est pourquoi j’ai maintenu une distinction entre des données objectives (la présence des AOC dans chaque région est déterminée par l’aire de l’appellation d’origine telle qu’elle est entérinée par la loi dans le décret relatif à chaque AOC) et des interprétations plus subjectives qui permettent de rappeler les liens entre les fromages et leur région principale tels que l’histoire les a construits et tels qu’ils ont été inventoriés. C’est ce que j’ai nommé « les appellations communément associées à la région », dans le but de mettre en évidence ces produits fortement liés à l’identité régionale, tout en attirant l’attention sur le caractère artificiel de ce classement, puisqu’il n’a pas de valeur officielle dans l’AOC – tout juste s’appuie-t-il sur Wikipedia et sur un jeu en ligne consistant à placer les fromages sur une carte (voir la saisie d’écran10avec plus d’une centaine de fromages à situer sur la carte, le jeu ne se limite pas aux AOC ; la comparaison de la répartition sur la carte du jeu et celle produite dans l’infographie permet cependant de constater que la lecture des déséquilibres est très similaire). Cette question des « régions communément admises » reste bien entendu ouverte aux commentaires, mais le cas du Brie de Meaux apporte un éclairage intéressant. C’est en effet la seule appellation pour laquelle je me suis permis d’aller à l’encontre de ces sources respectables en faisant le choix de le positionner en Alsace-Champagne-Ardenne-Lorraine plutôt qu’en Île-de-France. Certes aujourd’hui encore le siège de l’ODG11organisme de défense et de gestion qui correspond à un syndicat de défense de l’appellation est toujours situé en Île-de-France (car couplé avec celui du Brie de Melun), mais force est de constater que l’ancrage territorial du Brie de Meaux s’est inexorablement décalé vers l’est (aujourd’hui, 70% de la production est fabriquée en Meuse) au point que son ancrage y soit aujourd’hui plus fort. En effet, depuis le long XXème siècle, durant lequel la demande de lait frais et transformé pour la capitale a entrainé une production croissante et une extension de la spécialisation laitière sur le plateau lorrain12renforcée par l’abandon progressif de la polyculture dans le bassin parisien…, jusqu’à la présentation du Brie de Meaux comme « le fleuron des produits meusien »13de mon humble avis, et je ne suis pas le seul, celui fabriqué par la maison Dongé à Cousances-lès-Triconville, petite commune de 140 habitants à l’est de Bar-le-duc est le meilleur ! sur le dernier salon de l’agriculture…, en passant par la fermeture du dernier atelier de production14il s’agit en fait d’une usine du groupe Lactalis, qui avait bénéficié du soutien financier de l’édile local… mais l’usine ouverte en 1998 a fermé en 2003… de Brie de Meaux situé en Seine-et-Marne en 2003… ; l’histoire du Brie de Meaux est la preuve que les fromages n’ont pas de frontières définitives et qu’ils évoluent !
Cette infographie montre donc que si la géographie des appellations d’origine s’ancre dans un certain nombre de particularismes locaux, celles-ci débordent souvent sur d’autres régions et peuvent même circuler entre plusieurs territoires. La morale de notre enquête régionale sur les fromages AOC serait donc de constater que si les frontières régionales (les nouvelles comme les anciennes) permettent de distinguer des territoires fromagers, elles constituent une limite floue traversée par de nombreux mouvements : ceux des troupeaux et des agriculteurs qui exploitent des terrains variés, ceux des savoir-faire des producteurs et des affineurs qui circulent entre génération et contraintes techniques, ceux des organisations collectives qui évoluent en fonction des enjeux, ceux des capitaux des IAA et de leurs usines qui vont vers le territoire le plus offrant, ceux des crémiers-fromagers (et des restaurateurs) qui vendent les fromages et font ou défont les réputations, et in fine ceux des individus qui consomment les fromages et visitent les territoires touristiques qui leurs sont associés. On peut donc dire que si l’image d’un fromage conserve dans l’esprit des gens une très forte référence géographique, celle-ci ne saurait se restreindre à un seul type d’espace. Le relief, le paysage, le savoir-faire, le cheptel, la qualité, le patrimoine, l’histoire, l’économie agricole, les organisations collectives…etc, sont autant de référents géographiques associés à l’image d’un fromage, que l’appartenance régionale ne saurait décrire avec satisfaction.
Alors au final, de nombreuses questions restent en suspens. Certes l’important déséquilibre entre les régions fromagères offre une clé de lecture : abondance de bien d’un côté et rareté de la ressource de l’autre, structurent la géographie régionale des fromages. Et l’analyse des facteurs qui expliquent ce déséquilibre permet d’introduire la question de la diversité des enjeux autour de l’élevage et de la production laitière en France. Mais pour le reste, la question régionaliste demeure, et l’avenir seul nous dira si une région qui « produit beaucoup de fromages est ingouvernable »15en référence à la citation de De Gaulle, ou si au contraire « une région sans fromage est comme une belle à qui il manque un œil »16en référence à la citation de Brillat-Savarin dans La Physiologie du goût.
Pour information (et pour signaler aussi à quel point on peut faire dire beaucoup de choses aux statistiques…) quelques chiffres sont rassemblés dans un tableau en bas de l’infographie. Ils permettent de montrer que les sources mobilisables sont facilement accessibles (Agreste) et d’y apporter un petit complément statistique par l’absurde avec quelques ordres de grandeur permettant de comparer les régions entre elles.
Notes
↩1 | même s’il faut bien rappeler que celle-ci ne cesse jamais de se recomposer et qu’il faut avoir à l’esprit que ce que l’on appelle aujourd’hui la « tradition » est souvent un construit social fruit de nombreuses adaptations et inventions |
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↩2 | pour tout savoir sur ce sujet, je ne saurais trop recommander la lecture de La France fromagère de Claire Delfosse |
↩3 | c’est l’INAO (ex Institut National des Appellations d’Origine, devenu, Institut NAtional de l’Origine et de la Qualité) qui est chargé de la plupart des labellisations et certifications alimentaires : AOC/AOP, IGP, AB, Label Rouge, STG… |
↩4 | parmi de nombreux cas, voici deux exemples jurassiens ici et ici, à l’honneur de la cancoillotte… |
↩5 | en témoigne encore récemment la triple contribution de géographes sur le sujet dans le journal Libération |
↩6 | en Alsace-Lorraine par exemple, même si cela suscite aussi des réactions humoristiques… |
↩7 | expression faisant référence au moment à la fin du repas, lorsque la gaieté que donne la bonne chère fait qu’on parle librement… |
↩8 | ce qui n’est guère étonnant tant les géographes ont montré que la localisation des fromages est certes liée à la logique géographique des terroirs mais qu’elle ne s’explique pas par le déterminisme du milieu géographique, mais plutôt par les échanges entre les sociétés humaines |
↩9 | 110 000 véhicules spécialisés ; 41 000 salariés pour 500 entreprises ; 100 millions de tonnes de produits transportés ; 10% du trafic routier en France ; 145 000 km parcourus par an |
↩10 | avec plus d’une centaine de fromages à situer sur la carte, le jeu ne se limite pas aux AOC ; la comparaison de la répartition sur la carte du jeu et celle produite dans l’infographie permet cependant de constater que la lecture des déséquilibres est très similaire |
↩11 | organisme de défense et de gestion qui correspond à un syndicat de défense de l’appellation |
↩12 | renforcée par l’abandon progressif de la polyculture dans le bassin parisien |
↩13 | de mon humble avis, et je ne suis pas le seul, celui fabriqué par la maison Dongé à Cousances-lès-Triconville, petite commune de 140 habitants à l’est de Bar-le-duc est le meilleur ! |
↩14 | il s’agit en fait d’une usine du groupe Lactalis, qui avait bénéficié du soutien financier de l’édile local… mais l’usine ouverte en 1998 a fermé en 2003… |
↩15 | en référence à la citation de De Gaulle |
↩16 | en référence à la citation de Brillat-Savarin dans La Physiologie du goût |